Déroute

Marie-France Giraudon.
Installation photo-vidéo-topo-graphique mono-canal, 1991-1997. / One-channel photo-video-topo-graphic installation, 1991-1997.

Cette installation propose une réflexion sur ce qui se trame dans le temps entre le voyage rêvé à travers les cartes topographiques, l’expérience vécue sur le terrain, les traces rapportées du périple (des photographies, un journal) et la mémoire. Le projet a pour origine une performance véhiculaire : le tour de l’île de Terre-Neuve en auto-stop et à pied, principalement à travers des zones de toundra désertiques et sauvages.
Une série de photographies s’est progressivement constituée en route, captant la perception véhiculaire des paysages traversés. Le journal a complété ce balisage photographique, apportant un point de vue plus personnel et subjectif sur l’expérience.


Deux installations vidéo entrent en resonance : “Déroute” de Marie-France Giraudon dialogue avec “Sein arpentée – Cardinale vidéo” d’Emmanuel Avenel.
Document sur l’exposition, 5 min 10 (extrait, 4 min 20). / Documentation about exhibition, 5 min 10 (excerpt, 4 min 20).

DISPOSITIF D'INSTALLATION

L’œuvre se construit entre la photo, la vidéo, l’écriture, la narration et les cartes topographiques du territoire arpenté.

Dans la vidéo, les photos, les pages du carnet de bord et les noms de pointes relevés tout autour de l’île entraînent le spectateur sur la voie des traces, pas à pas, mot à mot. Les textes lus en voix-off tissent des liens narratifs entre ces différents éléments, donnant vie à ce collage d’images et d’écriture. Ils nous transportent dans un univers fictionnel à travers un récit déconstruit.

Des fragments de cartes topographiques du littoral terre-neuvien viennent compléter le dispositif et l’enrichir formellement. Ils contextualisent la vidéo géographiquement et historiquement, à travers les nombreux noms de pointes relevés sur le littoral :
Pointe enragée, Long point, Sand point, Rocky point, Point au mal, Pointe riche, Seal point, Ha Ha point, Loup marin point, Malouine point, Bread ans butter point, Keland’s eye point, Salvage point, Portugal cove point, Famine Point, Langue de cerf point, Point de l’anse à la gazelle, Pointe de savoyard, Rose blanche point, etc.
Ces points limites entre la terre et la mer qui marquent la fin d’un espace et le début d’un autre, ces points de repères le long de la ligne côtière qui scandent le fil de l’histoire de l’île, sollicitent notre imaginaire et nous font voyager par l’esprit. L’histoire d’un territoire vient s’incruster dans l’histoire personnelle. Les noms de pointes et le tracer côtiers dévoilent d’autres points de vue et d’autres perspectives sur le voyage.

Les composantes de l’installation ne sont jamais synchrones, laissant au spectateur la liberté de construire son propre voyage, entre ces repères visuels et sonores et sa mémoire personnelle. L’interaction aléatoire mise en œuvre brouille les pistes, le chemin à suivre, la trajectoire, le sens. Elle désordonne la fuite, égare le regardeur pour mieux ouvrir le champ à son imaginaire. Pour se rendre d’un point à un autre, pour cheminer d’un élément à l’autre, il n’y a pas de route toute tracée. Se dérouter des voies à suivre, c’est se donner la chance d’inventer sa propre voie.